Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le ciné-blog de Viggy
28 janvier 2006

Jarhead

jarhead

Tout d'abord, les premières minutes font craindre le pire : on dirait un mauvais remake de Full Metal Jacket, avec ce sergent-instructeur qui hurle et tous ces "Sir, Yes Sir" désormais entrés dans la légende. Mais plus le film avance, plus on comprend qu'il s'agit en fait d'une brillante déconstruction de l'imagerie hollywoodienne du film de guerre. Sam Mendes n'est pas dupe, il est parfaitement conscient que les jeunes marines américains ont une vision totalement biaisée de la guerre, s'extasiant devant le spectacle esthétisant des explosions bourrines d'Apocalypse Now, sans même comprendre pourquoi ils seront envoyés à la Guerre du Golfe, dans ce conflit absurde où l'ennemi sera invisible. Tout ce qu'ils veulent, c'est avoir leur propre mythologie, qui s'averera une sorte de fantasme impossible.

Une fois les soldats débarqués dans ce désert, Jarhead prend des airs de petit théâtre absurde à la Beckett, avec cette attente interminable, ces petites scènes improvisées, dans cet étrange décor qui va  révéler la frustration des uns et des autres. Les jours passent, l'ennemi ne se découvre pas, on tire même sur des chameaux pour le fun. Et c'est cette succession de non-évènements qui va déclencher les désillusions et les pétages de plombs de ces soldats surentraînes à "casser de l'irakien". A cet égard, la dernière demi-heure, vraiment impressionnante, bascule soudain dans la noirceur totale (la scène de l'autoroute), et même l'ironie glaçante du retour au pays, faussement glorieux, fait froid dans le dos. Sam Mendes filme avec lucidité cette grande désillusion à travers les yeux de ces jeunes soldats, qu'il ne cherche jamais à juger, et réussit un film très contemporain, qui marque une évolution notable dans l'histoire du film de guerre.

Il faudrait aussi saluer la sublime photographie de Roger Deakins, notamment pour les scènes de nuit autour des puits en feu, tout droits sortis de l'enfer (ah, cette vision du cheval couvert de pétrole...) Et bien sûr, le casting, irréprochable, avec en tête Jake Gyllenhaal et Peter Sarsgaard, parfaits en ados un peu schizophrènes, entre rage intérieure et mélancolie sourde.

Bref, une excellente surprise, surtout que Sam Mendes m'avait moyennement convaincu avec American Beauty et les Sentiers de la Perdition, des films esthétiquement forts, mais un peu superficiels. Avec Jarhead, son style trouve enfin la consistance qui lui manquait.

5,5/6

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité